19.03.2012
Comme on l'a vu préalablement, selon Tolman, les relations spatiales sont représentées par une structure cognitive interne, pas nécessairement isomorphe à une carte de géographie mais suffisamment similaire à celle-ci dans ses implications logiques.
Tolman mettait l'accent sur le caractère latent de l'apprentissage (l'information est acquise bien avant d'être utilisée). En outre, il pensait que les cartes pouvaient être plus ou moins puissantes (from a narrow strip variety to a broader comprehensive variety).
A l'appui de cette hypothèse, il avance un certain nombre d'arguments, notamment:
- des expériences sur l'apprentissage latent (les rats explorent n'ayant ni faim ni soif, mais si on les affame ensuite, ils vont directement à la nourriture, resp. directement à l'eau s'ils sont soif). Ceci contredit le credo béhavioriste selon lequel l'apprentissage nécessite renforcement.
- l'idée que si les rats commencent p.ex. par toujours essayer une allée, puis toujours une autre, cela correspond à des cartes à l’essai ("tentative").
- Enfin, des expériences semblent montrer que les cartes sont plus puissantes que des strip maps: le labyrinthe en éventail, et le labyrinthe de Tolman et Honzik. Dans ce dernier cas, les rats avaient pu explorer l’ensemble du labyrinthe. Puis, lorsque la route directe était bloquée en A, les rats revenaient en arrière et prenaient la route 2. Mais lorsque c'était, au contraire, la barrière B qui était en place, les rats revenaient en arrière et choisissaient la route 3, plus longue (donc habituellement évitée), mais la seule correcte ici. A l’évidence, les opérations permettant ce choix ne sont pas simples et on pourrait s’amuser à essayer d’en faire le liste.
Pour que la représentation spatiale soit puissante, il faut que les liens spatiaux entre lieux soient représentés de manière indépendante des chemins qui conduisent de l'un à l'autre (deux lieux ne sont pas liés de manière fixe et unique par un seul chemin). En clair: la position relative de deux lieux est un type d'information; les chemins les reliant en est une autre.
C'est l'exploration (une activité par essence séquentielle) qui permet d'établir le contenu de la carte; la carte permet ensuite une lecture simultanée d'information acquise séquentiellement, ce qui est évidemment un avantage!
Bruno Poucet (issu de l'équipe de l'université d'Aix-Marseille, autour de Catherine Thinus-Blanc et Pierre Bovet) a suggéré [1] , dès 1993, une organisation hiérarchique des étapes nécessaires à contruire des représentations du type "carte".
Il y aurait d'abord intégration des différentes vues locales (dépendantes de l'orientation du regard, et donc de l'œil, de la tête, du corps) visibles d'un lieu, en une représentation du lieu. Une telle représentation peut être activée lors de l'approche du lieu, quelle que soit la direction dans laquelle on s'en approche. Seuls certains lieux feraient l'objet d'un tel encodage, en fonction de la structure et de la complexité de l'environnement [2] .
Ensuite, des connexions seraient établies entre représentations de lieux (à courte distance): sous la forme de vecteurs encodant la direction et la distance du lieu actuel à un autre lieu connu. L'originalité de Poucet est qu'il suppose, à cette étape comme à la suivante, que l'animal n'utilise pas (pas obligatoirement du moins) une direction de référence qui soit commune à tous les lieux (chaque lieu est un système de coordonnées polaires, dont la direction zéro peut être différente de celle d'un autre système).
Ensuite, des représentations de lieux qui ont en commun des stimuli (proximaux ou distaux) vont s'organiser en cartes [3] locales: des représentations de l'environnement actuel de l'animal, dépendantes du lieu. Depuis un lieu, la carte locale permet de se rendre à un autre lieu à l'intérieur de la carte.
Plusieurs cartes locales juxtaposées (ayant au moins un lieu en commun) sont reliées par des informations d'abord topologiques (de voisinage). Il est donc possible de planifier une trajectoire allant, de proche en proche, d'un point a en un point d invisible depuis a. A cette étape, il n'est pas nécessaire de postuler une direction de référence commune à toutes les cartes locales.
Finalement, l'information vectorielle propre à chaque représentation de lieu serait progressivement réécrite avec une seule direction de référence: avec l'augmentation de la familiarisation avec tout l'environnement, il y aurait émergence d'une direction de référence globale [4] définie par les caractéristiques de l'environnement (il se pourrait aussi, ce que Poucet néglige ici, que l'IC joue un rôle important dans l'établissement d'une direction de référence commune, en permettant à l'animal d' "exporter" une direction d'un sous-environnement vers un autre). A l'aide de cette direction de référence commune, il devient possible de calculer des raccourcis (en ligne droite), ce qui n'est pas possible aussi longtemps que les directions de référence sont morcelées.
A l'Université de Tel-Aviv, David Eilam et al. [5] ont réalisé une expérience très simple, consistant à lâcher dans une arène carrée (petite ou grande) un campagnol sauvage. Ils observent que chaque animal établit une "home base" (arbitraire, habituellement dans un coin) d'où ils "rayonnent" ensuite pour explorer cet environnement inconnu. De là, ils font des trajets en aller-retour et en boucle qui ont une structure fixe (8-10 arrêts), adaptant pour cela la longueur des segments de chemin.
On observe la même structure dans les trajets initiés dans une arène ronde (dans laquelle il n'y a pourtant pas de coin qui puisse servir de home-base). Il est probable que ce type de trajet (notamment le retour régulier à une base arbitraire) dépend des propriétés de l'intégration du chemin. Le fait que, comme l'ont montré Eilam et al., la structure des trajets reste la même (même nombre de segments et d'arrêts/ changements de direction) dans des boîtes de dimensions différentes traduit peut-être un mécanisme visant à assurer que l'IC n'accumule pas des erreurs trop grandes dans un environnement grand.
Les nombreux allers et retours à la "home base" avant l'établissement, en un autre point, d'une seconde base avancée, permettent également à l'animal de mieux échantillonner la position de ce second point: en répétant la mesure vecteur home-base -> nouveau point, la position de ce dernier peut être estimée avec davantage de précision. Une fois que ce second point identifiable (typiquement un autre coin; sans doute une zone qui devient marquée olfactivement dans une arène ronde) est bien déterminé en ce qui concerne son lien spatial avec la home-base, alors l'animal peut utiliser le second point comme nouvelle base de calcul pour explorer plus loin sans augmenter les erreurs de calcul sur la géométrie de l'endroit.
Une remarque méthodologique: d'où l'importance de fournir au rat une base de départ! Si on ôte la home base, le rat va faire des courtes excursions et revenir de manière répétée à cet endroit, comme pour essayer de vérifier que la home base n'est plus là, ou que l'IC était correcte. The home base is a critical stimulus that organizes the animal's behavior into discrete components that can be quantified. Ceci est aussi à rapprocher du fait que la détermination répétée de la position nécessite un point origine stable pour le système de coordonnées: l'animal, en d'autres termes, doit pouvoir recalibrer à zéro son IC, et pour cela il lui faut un point de départ de l'excursion qui soit toujours le même, et identifiable
Charles Gallistel (en 1990), puis Bruce McNaughton, suggèrent que l'incorporation d'éléments dans la carte cognitive repose, comme remarqué plus haut, sur la combinaison de deux jeux de coordonnées. Les premières, égocentrées, sont celles de l'objet perçu relativement au corps propre ("l'arbre est à devant à gauche, à 45° de l'axe de ma tête, et à 10 m de moi") ; les secondes, allocentrées, celles du corps propre (de la tête, en fait), relativement à un système de référence ancré au sol ("ma tête est à 10 m au N-E [azimut 45°] de mon nid, et mon regard est orienté plein sud"). La combinaison des deux permet de placer l'objet repéré dans le système de coordonnées allocentré [6] ("l'arbre est exactement à l'est de mon nid, à une distance de 14 m").
Ian Whishaw [7] , en 2002, montre que l'exploration est déstructurée au retour chez des rats hippocampaux:
Des rats femelles reçoivent des lésions de la fimbria et du fornix (les parties antérieures de l'hippocampe). Ils sont testés deux semaines plus tard. Sur une table de 155 cm, tournante, il y a une boîte-refuge en périphérie. Les rats (habitués à la situation) sont mis dans la base, et leurs mouvements sont enregistrés durant 10 minutes (en lumière ou dans le noir). Un trajet comporte typiquement un aller intermittent, comme chez les campagnols mentionnés plus haut (segments parcourus à 0.1 m/s), suivi d'un retour en un seul jet, et plus rapide (0.4-0.6 m/s).
Les rats fimbria-fornix (des rats dont on a sectionné la fimbria et la fornix, les fibres issues de l'hippocampe et situées en avant de lui) diffèrent des contrôles (des rats qui ont subi des opérations, mais pas de lésions de l'hippocampe): leur retour est moins direct; leur vitesse est aussi moindre (comme s'ils utilisaient une autre stratégie que l'IC).
On a vu plus haut, notamment dans les expériences de Whishaw, que le comportement spatial était perturbé dans le cas de rats avec des lésions de l'hippocampe. On sait aussi que des rats hippocampo-lésés ne parviennent pas à trouver la plate-forme dans une piscine de Morris.
L'hippocampe, dont on sait qu'il assure de multiples fonctions, est donc lié aussi aux comportements spatiaux, peut-être à l'intégration du chemin, certainement à la mémoire associative spatiale, voire à la "carte cognitive", quelle qu'elle soit.
Que sait-on des représentations spatiales dans l'hippocampe?
L'hippocampe (en réalité les hippocampes!) est une structure du lobe temporal profond; les deux hippocampes (droit et gauche) sont en forme de double C ouvert vers la bas. Leurs parties avant (fornix) se touchent pratiquement, l'arrière est plus écarté.
L'hippocampe ou corne d'Ammon est une structure bilatérale et symétrique, faisant partie du système limbique. Il s'agit d'une structure corticale (et non sous-corticale) ancienne (archicortex) repliée sur elle-même et située dans la face médiane du lobe temporal. Il s'agit d'une structure histologique à une seule couche de cellules principales.
Cette structure du lobe temporal médian est en forme de double C (il y a un hippocampe gauche et droit) ouvert vers le bas. Pour le situer, il entoure le thalamus, épouse le corps calleux, et se termine près de l'amygdale.
Chez le rat, l'hippocampe est situé de manière plus dorsale, et il est proportionnellement plus grand. Sa situation dorsale en permet une exploration relativement facile.
Il faut noter qu'il n'y a pas une similitude parfaite entre l'hippocampe des rongeurs et celui des primates. Certaines structures ont évolué de manière différentielle: ainsi, CA1 et surtout le cortex entorhinal sont, relativement au reste de l'hippocampe, beaucoup plus grands chez les Primates. De subtiles différences de connectivité existent aussi [8] .
Si on fait une coupe en travers de l'hippocampe, on trouve une structure longitudinale, dont les éléments principaux sont la Corne d'Ammon (ou hippocampe proprement dit: CA1-CA4), le gyrus denté (DG) et le subiculum (Sub ou S). En dehors de l'hippocampe, on trouve ensuite le pre- et parasubiculum (PrS, PaS ou pS) et le cortex entorhinal (EC ou mEC/lEC). Dans cette structure longitudinale qu'est l'hippocampe, les éléments s'organisent comme deux C imbriqués l'un dans l'autre .
L'hippocampe et les structures avoisinantes sont reliés, de manière remarquable et unique dans le système nerveux, en une boucle unidirectionnelle : Cortex entorhinal -> gyrus denté -> CA3 -> CA1 et à nouveau vers le cortex entorhinal. En outre, l'hippocampe est relié de manière bidirectionnelle au cortex.
Chez le rat, l'hippocampe est grand relativement au reste du cerveau , et assez accessible car situé de manière plutôt dorsale.
Gyrus denté: cellules granulaires particulières.
CA1/CA3: cellules pyramidales typiques (genre cortex), à potentiels d'action (PA) complexes. CA3 a une forte connectivité locale (à courte distance: le gradient est abrupt), mais pas CA1.
De plus, il y a des interneurones: les cellules thêta.
Comme on vient de le dire, il y a des circuits neuraux locaux particuliers: Cortex entorhinal (CE) à gyrus denté à CA3 à CA1 à CE
L'hippocampe est caractérisé par un circuit neuronal trisynaptique : les cellules granulaires contenues dans le gyrus dentelé envoient massivement leurs axones (fibres moussues) vers le zone CA3 : il y a synapse avec les dendrites des cellules pyramidales de cette zone. Puis les axones des cellules pyramidales de la zone CA3 projettent leurs axones vers les dendrites des cellules pyramidales de la zone CA1 (collatérales de Schaeffer). Celles ci projettent à leur tour leur axones vers le subiculum ou le cortex entorhinal. [9]
En parallèle à c ette boucle trisynaptique il existe des connections directes depuis les couches 2 et 3 du cortex entorhinal vers les dendrites de CA3 et de CA1. Le rôle de cette double connectivité est encore mal élucidé. Les connexions depuis CA1 ou depuis le subiculum vers les neurones des couches profondes du cortex entorhinal ainsi que les connections entre ces couches profondes et les couches superficielles du cortex entorhinal font que la boucle trisynaptique est incluse dans une boucle plus vaste qui comprend le cortex entorhinal, l'hippocampe proprement dit, le subiculum, qui se referme au niveau du cortex entorhinal, porte d'entrée et de sortie principale ent re le néo-cortex et l'hippocampe.
Les inputs de CA1 sont donc duals: CA3 et la couche III du CE. De même, les inputs de CA3 sont duals: le DG et le CE. On ignore quel est le rôle de ces entrées duales: comparaison?
La LTP (long-term potentiation, potentialisation à long terme), mécanisme de base de l'apprentissage au niveau de la synapse (correspondant à la règle de Hebb dans les réseaux neuromimétiques), est observée dans toutes ces structures, mais avec des variations: dans le Gyrus Denté, elle diminue avec le temps en une semaine; en CA1, elle est de longue durée.
En mouvement et en sommeil REM, l'EEG hippocampal montre lui aussi un rythme thêta (7-12 Hz), mais pas durant l'arrêt et durant le sommeil à ondes lentes (dans ce cas, il y a LIA, Large-Amplitude Irregular Activity, ayant des ondes pointues de peu de durée). Il se produit de manière non corrélée aux thêtas des autres structures du cerveau (en effet, le rythme thêta existe dans beaucoup de structures du cerveau).
Il est intéressant de noter que chez l'homme le rythme existe mais est plus lent (1.5 - 3 Hz, dans la bande dite bande delta). Chez le pigeon, il est de 4-5 Hz. Chez l'homme, le pigeon, le chat, cette décharge rythmique est moins liée au mouvement que chez le rat (comme si la prise d'information était moins liée au mouvement).
Thêta est le plus fort et le plus régulier dans CA1, mais on le trouve aussi dans le DG et CA3, et les structures voisines. Il est intéressant de remarquer que le rythme varie en phase et amplitude selon la couche considérée, mais pas le long de l'hippocampe si on reste dans la même couche (Buszáki, 2002).
L'origine du rythme hippocampique se trouve apparemment dans l'input entorhinal et les collatérales de Schaeffer (CA3). A leur tour, ces structures semblent réagir à un thêta venant de plus haut, la zone du septum médian et de la bande diagonale de Broca. On ignore si ces zones sont vraiment les générateurs du rythme, ou si elles oscillent en réponse à un feedback hippocampique et entorhinal.
En fin de compte, le thêta est plus limbique qu'hippocampique: ce thêta dont la phase synchronise les potentiels d'action est observé dans tout le système limbique [10] .
Il semble y avoir un rôle particulier des interneurones GABAergiques (donc inhibiteurs) de l'hippocampe dans la génération du rythme, mais on ne sait pas exactement comment.
Le rythme thêta conditionne la réponse des cellules pyramidales dépolarisées: le déclenchement du potentiel d'action est synchronisé, en moyenne, avec la partie basse du cycle (dépolarisation maximale); mais le moment exact de génération du potentiel d'action, relativement à la phase de thêta, dépend de variables comportementales aussi [11] .
Finalement, on sait aussi que la plasticité (i.e., l'apprentissage au niveau cellulaire) dans l'hippocampe est liée à thêta: La LTP est optimale quand l'intervalle entre stimulations est proche du rythme thêta.
On a typiquement étudié le comportement unitaire des cellules dans le paradigme suivant: on implante chroniquement une platine sur la tête du rat: on perce le crâne de l'animal anesthésié, et on fixe la platine par des vis et du ciment dentaire. On laisse ensuite un temps de récupération à l'animal; la plupart (mais pas tous) ne montrent pas de gêne particulière à avoir cette espèce de chapeau sur le crâne.
Cette platine donne donc accès au cerveau, dans lequel on peut insérer des microélectrodes (ce qui est indolore); la position des microélectrodes est déterminée très exactement à l'aide de coordonnées stéréotaxiques; elle est généralement vérifiée après coup en injectant un courant, ce qui laisse une trace "développable" dans le cerveau, et en sacrifiant l'animal pour en analyser les coupes de cerveau.
L'électrode est descendue en position et on enregistre le signal neuronal durant le déplacement de l'animal. Ce signal est enregistré évidemment depuis l'extérieur des axones et des somas: on ne perce pas les cellules. Un appareillage amplifie et filtre ce signal, à la recherche du profil typique du potentiel d'action d'une cellule pyramidale. Le plus souvent, on ne trouve pas de cellule appropriée du premier coup, et on doit recommencer le jour suivant, après avoir déplacé l'électrode en profondeur de quelques microns. Suivant le type de structure et de cellule cherchée, cette phase de détection peut être plus ou moins longue. Les modèles récents d'électrodes et de logiciels de traitement permettent d'isoler le signal de nombreuses cellules à la fois.
Une ou deux diodes lumineuses sur la platine permettent de filmer et de mesurer, parallèlement à l'activité des cellules, la position et l'orientation du rat. Celui-ci est mis dans une arène assez petite, comportant habituellement un repère directionnel polarisant l'espace (une zone blanche sur la paroi). On lui jette au hasard des boulettes de nourriture, ce qui le fait se déplacer erratiquement sur toute la surface. Durant ce déplacement (nécessaire pour l'échantillonnage), on enregistre une ou plusieurs cellules. On peut manipuler l'environnement, p.ex. sortir l'animal de l'arène, tourner le repère de 90°, et remettre l'animal. Les résultats principaux de ces études sont décrits ci-après.
S ur la base de travaux antérieurs de J.B. Ranck Jr., e n 1971, O'Keefe & Dostrovsky font accidentellement la découverte suivante: I ls implantent une électrode dans l'hippocampe du rat (Corne d’Ammon ou hippocampe proprement dit, aires CA1 et CA4; ainsi que gyrus denté). Le rat est ensuite obligé à se mouvoir sur une surface de 24x36 cm, avec un rideau blanc sur trois côtés. Parmi les cellules que ces auteurs enregistrent, ils découvrent avec une certaine surprise des cellules dont l'activité semble liée avant tout à la position (et, pensent-ils, à l'orientation) du sujet et qu'ils qualifieront donc de "spatiales". Grâce à des études plus approfondies, O'Keefe et Nadel et d'autres chercheurs confirment que le corrélat de premier ordre des potentiels d'action émis par les cellules pyramidales de CA1 et CA3 est bien la position du rat (indépendamment de l'orientation): un champ "récepteur" typique (place field) [12] couvre une surface équivalente à quelques fois celle de l'animal.
La procédure suivante, ou une variante, est employée pour localiser le champ de réponse de la cellule qu'on est en train de considérer. Le logiciel de traitement divise l'arène en petits carrés (appelons-les "pixels"); durant la période de mesure, pour chaque pixel, il calcule (a) combien de temps la tête du rat y est restée et (b) combien de potentiels d'action y ont eu lieu. En divisant (b) par (a), on obtient évidemment la fréquence de décharge par unité de temps de présence, pour chaque pixel. On reporte ces valeurs sous forme de code de couleurs ou de graphe 3-D, ce qui permet de visualiser les champs de réponse; en outre, des procédures permettent de déterminer automatiquement la frontière de chaque champ de réponse, selon certains critères, en vue d'autres analyses.
On trouve des cellules de lieu en CA3, CA1, dans la partie dorsale (septale) de l'hippocampe, mais aussi dans la partie ventrale (temporale). D'autres parties de l'hippocampe montrent aussi des cellules de lieu.
Les CL déchargent lorsque l'animal est en un lieu (une zone), pratiquement pas au-dehors de cette zone.
Dans un environnement donné, chaque cellule (si elle répond) a un champ de réponse fixe. Ces champs sont répartis de manière assez homogène dans l'arène, avec une tendance à en avoir un peu plus aux frontières de l'environnement.
Les CL répondent ainsi de manière localisée même quand le comportement de l'animal est homogène (chasse aux boulettes de nourriture, p.ex.). Dans ce type de tâche qui ne demande aucune navigation, on conclut qu'une représentation est formée même lorsqu'elle n'est pas nécessaire pour soutenir une quelconque performance. O'Keefe et Nadel (1978) avaient prévu qu'une carte serait générée lors de l'exploration (cf. Tolman et l'apprentissage latent).
Un champ "récepteur" typique (la zone du plan de locomotion où décharge une cellule, c.-à-d. la projection dans le monde du domaine d'activité d'une cellule) couvre une surface équivalente à quelques fois l'animal; sa forme est grossièrement elliptique, avec un seul maximum.
Ces champs de réponse des cellules de lieu ont été nommés champs de lieu (place fields). L'intensité de la réponse (décharge de la cellule, fréquence des potentiels d'action) est croissante des bords vers le centre du champ de lieu.
Près de frontières (murs), les champs sont déformés pour les suivre. Un champ donné couvre une surface entre 3% et 50% de l'arène. La fréquence maximale des PA est de 5 à 40 PA/s, suivant la cellule.
En général, les cellules de lieu sont non-directionelles (leur réponse est indépendante de l'orientation du corps ou de la tête de l'animal: seule la localisation, le lieu, compte). Parfois, cependant, elles sont directionnelles: c'est souvent le cas le long d'une piste (allée de labyrinthe).
En dépit d'un problème méthodologique (il faut un certain temps pour permettre à un champ de lieu d'apparaître, puisque nécessairement on doit échantillonnner durant le déplacement de l'animal), lorsque le rat (muni de ses électrodes) est introduit dans un environnement nouveau pour lui, on constate que des cellules spatiales apparaissent assez rapidement. Pour Hill; 1978: immédiatement.
Wilson & McNaughton (1996) trouvent 10-30 minutes pour la stabilisation dans un "nouvel" environnement; Austin et al., 4 heures.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a recrutement progressif de cellules dans la représentation (certaines cellules se mettent à représenter certains points de l'espace). Dans un autre environnement, d'autres cellules, ou partiellement les mêmes, seront recrutées.
Si l'animal est remis répétitivement dans le même environnement, il y a stabilité de la réponse . Autrement dit, si une certaine cellule répondait en tel lieu (champ de lieu de telle étendue à tel endroit), ceci se maintiendra approximativement, à chaque fois que l'animal reviendra dans le même environnement. Thompson et Best (1990) l'ont vérifié sur plusieurs mois!
Ceci est indépendant de ce que le rat fait entre-deux: il peut aussi faire des expériences dans d'autres arènes! auquel cas il y aura des champs de lieu pour chaque arène.
Donc, il y a rappel (basé sur le contexte) de la représentation
Donc, beaucoup de représentations peuvent être stockées sans interférences.
Donc, c'est une forme de mémoire où les représentations sont latentes sauf quand le rat est dans l'environnement pour lequel une représentation a été "créée".
De nombreuses expériences sur des labyrinthes qu'on tourne (O'Keefe & Conway 1978, Muller et Kubie, 1987, etc.), et des expériences en arène ronde, montrent que le déplacement angulaire des repères induit un déplacement correspondant des champs de lieu (dans une arène ronde). Les repères contrôlent la décharge des cellules de lieu.
[1] Poucet B. (1993) Spatial cognitive maps in animals: New hypotheses on their structure and neural mechanisms. Psychological Review, 100 (2), 163-182.
[2] Cf. annular water maze, où il y a davantage de champs de lieu à proximité de la plate-forme: le lieu y est représenté avec un grain plus fin?
[3] Poucet utilise à ce niveau le terme anglais chart, qui n'a pas d'équivalence simple en français: il désigne la carte marine.
[4] Paul Dudchenko, dans un congrès à Toulouse en 2003, mentionne une expérience allant dans ce sens.
[5] Eilam, Dank & Maurer
[6] Vous pouvez essayer de représenter la situation ici décrite pour vérifier si vous avez compris.
[7] Université de Lethbridge, canadian Centre for Behavioural Neuroscience.
[8] P. ex. l'arbre dendritique des cellules moussues du gyrus denté ne s'étend pas dans les mêmes couches de cette structure (Amaral).
[9]
[Wikipedia]
Although
there
is
a
lack
of
consensus
relating
to
terms
describing
the
hippocampus
and
the
adjacent
cerebral
cortex,
the
term
hippocampal
formation
generally
applies
to
the
dentate
gyrus,
the
Cornu
Ammonis
fields
CA1-CA3
(and
CA4,
frequently
called
the
hilus
and
considered
part
of
the
dentate
gyrus),
and
the
subiculum.
The
CA1,
CA2
and
CA3
fields
make
up
the
hippocampus
proper.
Information
flow
through
the
hippocampus
proceeds
from
the
dentate
gyrus
to
CA3
to
CA1
to
the
subiculum,
with
additional
input
information
at
each
stage
and
outputs
at
each
of
the
two
final
stages.
CA2
represents
only
a
very
small
portion
of
the
hippocampus
and
its
presence
is
often
ignored
in
accounts
of
hippocampal
function,
though
it
is
notable
that
this
small
region
seems
unusually
resistant
to
conditions
that
usually
cause
large
amounts
of
cellular
damage,
such
as
epilepsy.
The
perforant
path,
which
brings
information
primarily
from
entorhinal
cortex
(but
also
perirhinal
cortex,
among
others),
is
generally
considered
the
main
source
of
input
to
the
hippocampus.
Layer
II
of
entorhinal
cortex
(EC)
brings
input
to
the
dentate
gyrus
and
field
CA3,
while
EC
layer
III
brings
input
to
field
CA1
and
the
subiculum.
The
main
output
pathways
of
the
hippocampus
are
the
cingulum
bundle
and
the
fimbria/fornix,
which
arise
from
field
CA1
and
the
subiculum.
Perforant
path
input
from
EC
layer
II
enters
the
dentate
gyrus
and
is
relayed
to
region
CA3
(and
to
mossy
cells,
located
in
the
hilus
of
the
dentate
gyrus,
which
then
send
information
to
distant
portions
of
the
dentate
gyrus
where
the
cycle
is
repeated).
Region
CA3
combines
this
input
with
signals
from
EC
layer
II
and
sends
extensive
connections
within
the
region
and
also
sends
connections
to
region
CA1
through
a
set
of
fibers
called
the
Schaffer
collaterals.
Region
CA1
receives
input
from
the
CA3
subfield,
EC
layer
III
and
the
nucleus
reuniens
of
the
thalamus
(which
project
only
to
the
terminal
apical
dendritic
tufts
in
the
stratum
lacunosum-moleculare).
In
turn,
CA1
projects
to
the
subiculum
as
well
as
sending
information
along
the
aforementioned
output
paths
of
the
hippocampus.
The
subiculum
is
the
final
stage
in
the
pathway,
combining
information
from
the
CA1
projection
and
EC
layer
III
to
also
send
information
along
the
output
pathways
of
the
hippocampus.
The
hippocampus
also
receives
a
number
of
subcortical
inputs.
In
Macaca
fascicularis,
these
inputs
include
the
amygdala
(specifically
the
anterior
amygdaloid
area,
the
basolateral
nucleus,
and
the
periamygdaloid
cortex),
the
medial
septum
and
the
diagonal
band
of
Broca,
the
claustrum,
the
substantia
innominata
and
the
basal
nucleus
of
Meynert,
the
thalamus
(including
the
anterior
nuclear
complex,
the
laterodorsal
nucleus,
the
paraventricular
and
parataenial
nuclei,
the
nucleus
reuniens,
and
the
nucleus
centralis
medialis),
the
lateral
preoptic
and
lateral
hypothalamic
areas,
the
supramammillary
and
retromammillary
regions,
the
ventral
tegmental
area,
the
tegmental
reticular
fields,
the
raphe
nuclei
(the
nucleus
centralis
superior
and
the
dorsal
raphe
nucleus),
the
nucleus
reticularis
tegementi
pontis,
the
central
gray,
the
dorsal
tegmental
nucleus,
and
the
locus
coeruleus.
It
is
widely
accepted
that
each
of
these
regions
has
a
unique
functional
role
in
the
information
processing
of
the
hippocampus,
but
to
date
the
specific
contribution
of
each
region
is
poorly
understood.
[10] [Wikipedia] Le terme limbique à été forgé par Broca (1878) pour désigner le cortex cérébral du bord (Limbus veut dire bord en latin). Le cortex a en effet partout un bord qui le sépare de régions non corticales. Le système limbique est un groupe de structures du cerveau jouant un rôle très important dans le comportement et en particulier, dans diverses émotions comme l'agressivité, la peur, le plaisir ainsi que la formation de la mémoire. Le système limbique influe sur le système endocrinien et le système nerveux autonome. Il consiste en plusieurs structures subcorticales situées autour du thalamus :
* hippocampe : impliqué dans la formation de la mémoire à long terme ;
* amygdale : impliquée dans l'agressivité et la peur ;
* circonvolution cingulaire ;
* fornix ;
* hypothalamus.
Le système limbique est parmi les plus anciennes parties du cerveau en termes d'évolution : il se trouve aussi chez les poissons, amphibiens, reptiles et mammifères.
[11] On verra plus loin que la réponse des cellules de lieu se décale relativement à thêta en fonction d'où le rat se trouve dans le champ récepteur (phénomène dit "précession de phase")
[12] En raison du côté anecdotique des observations, la réalité de ces place fields fut, en fait, contestée pendant assez logtemps, jusqu'à ce que des méthodes numériques strictes, mises au point notamment par Muller et Kubie (groupe de Brooklyn), mettent en évidence les champs de manière irréfutable en 1987.