06.06.2007 beta

L'eusocialité des hyménoptères expliquée

Hamilton cherchait à expliquer l'eusocialité des hyménoptères, et plus spécifiquement le fait que l'eusocialité soit apparue si "facilement" (de manière répétée) chez les hyménoptères. Pour l'expliquer, il faut partir d'une spécificité particulière à cet ordre: l'haplodiploïdie.

L'haplodiploïdie

Les hyménoptères ont la particularité presque unique [1] que leurs espèces sont à la fois haploïdes (un seul jeu de chromosomes, comme dans les gamètes des vertébrés) et diploïdes (un double jeu de chromosomes, comme dans les cellules autres que les gamètes): les femelles sont diploïdes et les mâles, eux, proviennent d'œufs non fécondés et sont donc haploïdes (nous avons vu précédemment que la femelle peut biaiser la sex-ratio selon les besoins du moment, en contrôlant la fécondation des ovules qui passent devant la spermathèque).

Soit par exemple une abeille mâle donnée. Ce mâle aura en moyenne 50% de gènes en commun avec un frère (chaque chromosome d'une paire de la mère pouvant être tiré au hasard, la fourchette va de 0% à 100% avec une moyenne à 50%).

Soit une abeille femelle donnée: elle aura en commun avec une sœur 100% de gènes, pour les chromosomes provenant de son père (n'étant que haploïde, le père ne peut diviser ses chromosomes en deux pour faire des gamètes! Il n'y a de méiose que chez la femelle); et 50% pour les chromosomes provenant de sa mère (ce qui est la proportion usuelle des espèces diploïdes). 100% pour une moitié des chromosomes (paternels), 50% pour l'autre moitié (maternels): au total, le r entre deux sœurs est de:

(1 + 0.5) / 2 = 0.75.

Dans ces conditions, pour un individu qui ne se reproduit pas directement mais aide sa mère à produire des sœurs (dont l'une sera une future reine!), la perte en participation au pool génétique est moindre que dans le cas habituel des animaux strictement diploïdes.

Ceci entraîne un biais en faveur de l'apparition de l'eusocialité chez les hyménoptères [2] .

La proximité génétique n'est pas le seul facteur

En fait, seuls les aculéates (porte-aiguillon), parmi les hyménoptères, ont évolué l'eusocialité. D'autres facteurs entrent aussi en jeu, que nous ne mentionnerons pas ici. De même, on trouve des espèces eusociales en-dehors des hyménoptères (peu, il est vrai). Des facteurs liés au style de vie et à l'histoire de vie ont également un rôle important.

En effet, il faut raisonner en termes de coûts et de bénéfices associés au fait de rester dans le groupe natal et d'aider les siens, comparés aux coûts et bénéfices associés à la dispersion (le fait de quitter le noyau familial) et à la reproduction. Donc l'autre précondition probable (à part un r élevé) pour l'évolution de l'eusocialité semble être l'existence de soins parentaux dans un nid protégé. Dans ce cas, si le coût associé à la dispersion est élevé (moins de nourriture, peu de probabilité de reproduction, vulnérabilité aux prédateurs, difficulté d'établir un nouveau nid), et que les bénéfices indirects associés à rester sont élevés (quand les reproducteurs sont aidés, il produisent nettement plus de petits), l'ensemble peut mener à une structure où certains individus renoncent à se reproduire car chaque individu produit plus de copies de ses gènes de manière indirecte qu'il ne pourrait en produire, en moyenne, de manière directe.

Si une mutation a amplifié à un moment donné le comportement familial en coopération un peu plus sociale, le nombre d'individus portant ce gène a dû augmenter dans la population relativement à ceux qui ne le portaient pas: Les parents produisant des enfants portant le gène étaient davantage aidés, donc produisaient plus d'enfants portant le gène que d'autres; d'autre part, la perte en part du gâteau génétique occasionnée par l'aide (moindre reproduction directe) était plus que compensée par l'accroissement indirect.

Illustration: les amibes acrasiales (hors matière d'examen: pour les curieux)

[JAI-56] Les amibes acrasiales (qui ne sont pas vraiment des amibes mais des moisissures gélatineuses cellulaires [3] ) ont une existence unicellulaire et rampante; ce sont des prédateurs de bactéries dans le sol, l'humus... Elles se multiplient par division (mitose).

Quand les conditions deviennent défavorables, elles ne s'enkystent pas, contrairement à d'autres amibes: elles adoptent une stratégie sociale. Les premières affectées émettent un signal chimique (acrasine, qui est de l'AMP cyclique) qui en attire d'autres, qui remontent le gradient de diffusion et convergent en étoile. Elles s'agglutinent en forme de saucisse, puis de limace (2 mm de long). Ce pseudoplasmide a des mouvements coordonnés, comme une limace! Le pseudoplasmide se déplace durant quelques jours, jusqu'à la surface du substrat. Il se ramasse en une masse sphérique, qui se transforme en sporocarpe (comme un champignon: un pied et une capsule sporifère composée d'amibes enkystées). La capsule sporifère finit par être surélevée nettement au-dessus du substrat, à l'air libre: une meilleure opportunité pour les spores d'être entraînées par un vecteur (air, eau, animal). A la fin de ce cycle, les spores sont dispersées et les amibes, à nouveau solitaires, en émergent.

Lors de la constitution du sporocarpe, chaque amibe choisit (en quelque sorte!) sa destinée. S'enkyster dans la capsule sporifère et se reproduire, ou bien devenir partie du pied, et ainsi périr mais aider les autres.

Dans la théorie de la parentèle, on peut prédire que les individus du pied seront d'autant plus prompts à se sacrifier qu'ils sont génétiquement proches de ceux de la tête. Le taux d'altruisme peut être représenté par le rapport entre volume de la capsule sporifère et celui du pied (les amibes du pied se sacrifient pour les amibes de la tête, enkystées, et qui vont se reproduire). Si la proximité génétique moyenne des individus est moindre, l'altruisme devrait être moindre, donc, le pied devrait être plus petit (relativement à la capsule).

Steven Kolmes a manipulé le r moyen de 3 populations d'amibes: il a pris deux lignées pures d'amibes, et en a obtenu une troisième par mélange d'individus des deux premières lignées. Il a mis chacune de ces lignées dans des conditions favorisant la fructification en sporocarpe. Et il a bien constaté que le pied était plus petit (relativement à la capsule sporifère) dans la lignée mélangée que dans les deux lignées pures.

L'eusocialité des rats-taupes nus (aussi hors matière d'examen et pour les curieux)

[SHE-223] Les rats-taupes nus (Heterocephalus glaber), des petits (20-35 g) rongeurs souterrains de la Corne d'Afrique (Somalie, Kenya, Ethiopie) forment des communautés eusociales: dans les colonies, les générations se superposent, et les soins aux jeunes sont données coopérativement. A la tête de la colonie, il y a une reine, qui s'accouple avec quelques mâles. Toutes les tâches de la colonie (recherche de nourriture, transport de matériaux, creusage et nettoyage, défense) sont assurées par des individus qui ne se reproduisent pas, et ventilées en fonction de la taille des individus! Les autres femelles n'ovulent pas. La reine est l'individu le plus gros de la colonie; elle est agressive et dominante. Lorsque la reine meurt, il y a des combats violents entre les femelles restantes, dont l'une devient la reine.

Les colonies (70-80 membres) vivent en tunnels fermés (jusqu'à 3 km de tunnels par colonie). Le creusage est coopératif (en chaîne); une colonie évacue par des taupinières (refermées ensuite) une demi-tonne de terre par mois.

Les individus vivent longtemps (16 ans et plus en captivité), la reine produit une portée (12 petits) tous les 70-80 jours.

Comment expliquer l'émergence d'une société altruiste chez des espèces qui ne sont pas haplodiploïdes comme les termites ou, ici, les rats-taupes? En fait, plusieurs générations d'inbreeding augmentent le coefficient r au point qu'il devient plus élevé entre frères et sœurs qu'entre parents et enfants (on a mesuré r = 0.81 chez les rats-taupes). Les "circonstances génétiques" étaient donc probablement favorables à l'apparition de l'eusocialité. Comme pour les hyménoptères, il faut imaginer que les circonstances écologiques et d'histoire de vie ont fourni en plus le "coup de pouce" nécessaire.

L'altruisme en fonction de r

L'altruisme en fonction de r: Les aides au nid

[WIL-452] Chez le geai à gorge blanche de Floride [4] , un oiseau qui habite un environnement discontinu et sablonneux, les individus vivent longtemps (8 ans et plus) et se reproduisent tard (à 2 ans); les couples se forment à vie; la moitié des couples environ (36 à 71 % en fonction de l'année, selon l'étude longitudinale de Woolfenden) a des aides, qui ne participent pas à la construction du nid ou à l'incubation, mais par contre participent dans tous les autres domaines (défense du territoire et du nid contre d'autres geais; attaque contre les prédateurs, nourrissage des petits).

Woolfenden a observé 74 cycles de reproduction (c.-à-d. 74 cas de nidification sur quelques saisons, un couple pouvant participer à l'échantillon plusieurs fois), et a déterminé quel était le lien parental entre les aides et les membres du couple:

lien de parenté avec les membres du couple

nombre de cas observés

ce sont les deux parents de l'aide

48

le père de l'aide et une femelle sans lien

16

la mère de l'aide et un mâle sans lien

2

le frère de l'aide et une femelle sans lien

7

un couple sans lien

1

 Les parents les plus proches sont le plus aidés.

Pour que l'aide (qui ne se reproduit pas lui-même) ne soit pas perdant, il faut effectivement qu'on constate que l'aide apportée augmente le succès reproducteur du couple, et donc l'inclusive fitness de l'individu qui aide.

Woolfenden a pu comparer [5] les couples sans aide avec des couples aidés:

 

nombre de petits quittant le nid

nombre de petits encore vivants 3 mois après avoir quitté le nid

couple sans aide

1.1

0.5

couple avec aide

2.1

1.3

 Il semble que la différence soit due à la défense améliorée contre les prédateurs, en particulier les grands serpents qui attaquent les petits au nid. Les aides améliorent la vigilance de la famille et les capacités de mobbing (rameutage) contre le prédateur. Cette différence est encore augmentée pour la survie à plus long terme (petits plus robustes?).

[KRE-236] Emlen et collègues ont pu vérifier quels nids choisissent des aides guêpiers à front blanc lorsqu'ils ont le choix entre des nids dont les petits ont un r différent relativement à l'aide en question: les guêpiers choisissent majoritairement d'aider les petits qui leur sont le plus proches génétiquement [6] .

Les aides ont donc un gain en inclusive fitness au travers de l'aide qu'ils apportent à leurs apparentés. A vrai dire, ils ont aussi des gains en fitness directe; le fait est que les territoires de reproduction sont rares, et que ces oiseaux n'auraient probablement pas pu se reproduire durant cette saison. Ils profitent donc également de l'aide qu'ils apportent à leurs apparentés pour acquérir de l'expérience qui leur sera utile à la saison suivante: sur comment défendre le nid, sur les territoires eux-mêmes, ce qui leur sera favorable pour leur reproduction directe.

L'altruisme en fonction de r chez l'humain

L'adoption en Océanie

[ALC-613] En 1976, l'anthropologue Marshall Sahlins a critiqué la sociobiologie sur la base de données indiquant qu'en Océanie, 30% des enfants sont adoptés. Sahlins affirma que ces pratiques n'avaient pas de lien avec la parentèle, ce qui rendait impossible l'analyse de ces traditions dans un cadre évolutif, et, de manière générale, montrait la non-pertinence de la théorie évolutionnaire pour expliquer les traditions humaines.

L'hypothèse que réfutait Sahlins était évidemment celle de la sélection indirecte (altruisme envers la parentèle). Or, Joan Silk a étudié les patrons d'adoption dans ces îles (11 cultures), et elle a trouvé que l'adoption ne se fait pas de manière arbitraire, mais de manière liée (au moins en grande partie) à la proximité génétique.

Néanmoins, une partie des adoptions semblent être un investissement à perte puisqu'elles se font entre individus non apparentés. Cependant, l'hypothèse de la sélection indirecte n'est pas la seule possible. On peut poser une autre hypothèse évolutive: celle d'un gain direct en fitness. Dans une société rurale, plus d'enfants veut dire plus de bouches à nourrir, mais aussi plus de productivité; en-dessous d'un certain nombre de travailleurs, le rendement chute. On peut prédire que ce sont les familles les plus petites qui adopteront le plus; c'est bien ce que Silk a trouvé [7] .

La reconnaissance des apparentés

La théorie de la parentèle implique reconnaissance de la parentèle

[JAI-65] Pour aider son prochain, il faut pouvoir le reconnaître comme son prochain. Le donneur altruiste doit pouvoir reconnaître son degré de proximité génétique avec autrui.

Donc les caractères génétiques prédisposant aux comportement altruistes doivent s'appuyer sur trois propriétés étroitement liées entre elles:

  1. L'aptitude à développer des indices de reconnaissance portés à la surface de l'organisme;
  2. L'aptitude à percevoir ces indices de façon graduée en fonction de la proximité génétique;
  3. La possibilité de graduer les comportements en fonction de la proximité génétique.

Les mécanismes proximaux de la reconnaissance existent

Mécanismes visuels chez la caille

Pour se reproduire, l'animal cherche un partenaire optimalement différent de lui-même: qui ne soit ni trop semblable (donc probablement proche génétiquement) ni trop différent (théorie de l'hybridisation optimale ou optimal outbreeding, JAI-254). En effet, il faut que le partenaire sexuel soit de la même espèce, bien sûr, mais aussi:

Patrick Bateson a testé cette hypothèse sur la variété japonaise de la caille des blés [8] , dont les marquages de tête sont déterminés génétiquement et sont donc des indicateurs de proximité génétique. Il faut noter que la caille est très sensible aux effets de l'inbreeding (élevage consanguin) et que 4 générations de croisements entre frères et soeurs amènent la stérilité des descendants [JAI-254]. Les oiseaux ont été élevés en groupes de frères et soeurs. A 30 jours les oiseaux sont isolés jusqu'à maturité sexuelle; ils sont testés à 60 jours:

Le sujet est mis dans un dispositif à choix multiples ("The Amsterdam Apparatus", par référence aux vitrines du quartier chaud d'Amsterdam. Le sujet voit l'animal-cible qui est au milieu, mais ce dernier ne voit pas le sujet), avec (a) un frère (ou soeur) familier, (b) idem non familier (c) cousin au 1er degré [9] , non familier (d) cousin au 3ème degré non familier (e) non apparenté et non familier.

Les résultats sont clairs: Le sujet test s'intéressait toujours davantage à l'oiseau moyennement différent (cousin germain) de lui.

On peut supposer que l'individu choisira comme partenaire sexuel préférentiellement un "apparenté mais pas trop", i.e. un cousin germain, ce qui évite aussi bien les problèmes liés à l'inbreeding que le risque de briser une coalition de gènes qui a eu du succès dans un environnement donné.

Ceci montre qu'il existe des mécanismes de reconnaissance des apparentés. Bateson pensait que chez la caille ils dépendaient d'un mécanisme d'apprentissage précoce des informations visuelles (plumage).

Chez l'être humain

Notons au passage que chez l'être humain, l'évitement de l'inbreeding repose au moins partiellement sur les mêmes mécanismes. Sheper a montré que sur 2769 mariages d'enfants élevés en groupes dans des kibboutz jusqu'à au moins 6 ans, aucun ne s'est réalisé entre enfants (non apparentés) provenant du même groupe. [JAI-288].

Mécanismes olfactifs chez la souris

Certains mécanismes de reconnaissance de la parentèle ne font pas appel à un apprentissage, et ne reposent pas sur la modalité visuelle. La reconnaissance olfactive (basée sur le CMH) chez la souris en est le premier exemple.

[ADA-92] Le CMH (Complexe Majeur d'Histocompatibilité [10] ) est un groupe de gènes dont certains subissent facilement des mutations: donc il existe pour ces gènes-là de très nombreux allèles, et deux individus non apparentés ont très rarement des systèmes d'histocompatibilité identiques. Cette diversité détermine en grande partie l'identité biochimique de la surface cellulaire et donc celle de l'individu. Accessoirement, on sait que le CMH participe aussi à donner son identité olfactive (son odeur!) à l'individu [11] .

Gary Beauchamp et al., des généticiens, avaient deux lignées de souris congéniques [12] ne différant que par le CMH. Ils ont observé par hasard que les mâles s'accouplaient préférentiellement avec des femelles de type différent [13] . Le CMH joue un rôle dans la reconnaissance et la réponse immunitaire, et il y a une relation importante entre la diversité du CMH et les variations anatomiques, physiologiques et de développement qui font supposer que le CMH joue aussi un rôle fondamental dans le développement à partir de l'ovule fécondé.

Des souris (renforcement: eau; protocole en aveugle) pouvaient être entraînées à distinguer l'odeur (urine) de deux individus ne différant que par leur CMH et différant de l'individu testé.

Ce qu'on a observé chez la souris, en très bref:

Humains: Préférences olfactives pour des partenaires optimalement différents

Claus Wedekind (Université de Berne) et coll. ont publié [15] en 1995 des résultats étonnants. Ils ont testé 49 étudiantes et 44 étudiants quant à leur classe de complexe majeur d'histocompatibilité. Les hommes et femmes probablement ne se connaissaient pas (ils étaient de facultés différentes). On a demandé aux hommes de porter un T-shirt neuf en coton non traité durant deux nuits; on leur a demandé d'être neutre du point de vue des odeurs (pas de parfum, savon non parfumé, lessive non parfumée, éviter certaines nourritures, les lieux enfumés, l'activité sexuelle, l'alcool, la fumée, et de dormir seuls dans leur lit).

Le lendemain de la 2ème nuit, les sujets femmes ont dû juger 6 T-shirts: 3 provenant d'hommes ayant un CMH proche de celui du sujet, trois ayant un CMH différent. Ces femmes ont été testées dans la seconde semaine après leurs règles, car on sait qu'elles sont le plus sensibles aux odeurs à ce moment-là. Pour les sensibiliser aux odeurs, on leur avait fait aussi lire le roman de Patrick Süskind, "Le Parfum"...!

Les t-shirts étaient présentés dans des boîtes en carton contenant un sac plastique avec un trou. Il y avait une 7ème boîte contenant un t-shirt non porté, qui permettait aux sujets d'avoir pour comparaison l'odeur "de base" du t-shirt.

Les femmes devaient juger l'odeur du T-shirt en ce qui concernait l'intensité, le fait qu'elle était plus ou moins agréable, le fait qu'elle était plus ou moins sexy.

Dans ses résultats, Wedekind a trouvé:

En outre, pour les femmes ne prenant pas la pilule, l'odeur de ces hommes différents sur le plan CMH rappelait aux sujets l'odeur de leur partenaire (ou ex-partenaire) deux fois plus souvent que celles des hommes semblables quant au CMH, alors qu'il n'y a pas de différence pour ce qui est de la parentèle. Ceci indique que les odeurs corporelles dépendant du CMH peuvent effectivement jouer un rôle dans le choix d'un(e) partenaire.

Les résultats concernant les femmes qui prennent la pilule indiquent que durant la grossesse (un état simulé par la pilule du point de vue hormonal), les hormones stéroïdes produites peuvent inverser les préférences des odeurs. Ceci n'est sans doute pas relié au choix des partenaires sexuels, mais peut être comparable au fait que les souris préfèrent des individus semblables en CMH pour faire des nids en commun (c.-à-d., une femme enceinte va être attirée par des gens proches par le CMH, donc probablement apparentés, car ce sont eux les plus susceptibles de lui apporter de l'aide).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Il existe des espèces haplo-diploïdes ailleurs que chez les hyménoptères, mais elles sont très peu nombreuses.

[2] John Maynard Smith et Eörs Szathmáry (The Major Transitions in Evolution, Oxford University Press, 1997, p. 265) remarquent que le lien de cause à effet n'est pas aussi immédiat qu'il y paraît. Cette question simple en apparence est en réalité extrêmement complexe.

[3] Cellular slime molds.

[4] Aphelocoma coerulescens (Florida scrub jay)

[5] Dans d'autres études, il a pu contrôler l'effet de l'âge (les couples sans aide sont aussi les plus jeunes, donc les plus inexpérimentés). L'étude finale comparait les mêmes couples dans des années avec aide et des années sans aide. Les effets étaient les mêmes.

[6] Cette structure "amicale" est encore renforcée par un autre effet: dans ces conditions de fort r, il n'y a pas de compétition sexuelle entre les aides et le mâle résident (en raison des risques associés à l'inbreeding).

[7] En réponse à une question d'étudiant sur l'adoption, justement, on peut mentionner qu'il reste encore une autre possibilité: que l'adoption ne soit pas une adaptation, mais un effet collatéral d'un comportement adapté. En effet, l'envie d'avoir des enfants et de s'en occuper, en général, est adaptative. Les mécanismes psychologiques ont été sélectionnés parce qu'ils augmentaient la fitness, et ils peuvent être conservés dans la population même si parfois ils provoquent des comportements qui ne sont pas adaptés (au sens darwinien, bien sûr!), comme l'adoption d'un étranger. Une prédiction évidente est que l'adoption doit apparaître préférentiellement chez des gens qui ne peuvent avoir d'enfants, ou ont perdu le leur. Chez l'animal, on trouve des cas d'adoption semblables chez des animaux qui ont perdu leur petit (cf. un exemple chez le Manchot Empereur, en fait deux individus qui cherchent à adopter le même petit abandonné!).

[8] Coturnix coturnix japanica (Japanese quail). La caille de nos régions est un petit gallinacé discret (18 cm, env. 100g). Migrateur. Chant trisyllabique sonore "pit-pi-pitt". Prairies, champs de céréales; nid: faible dépression herbeuse. Une ponte de 8-13 oeufs crème ou jaunâtres fortement tachetés de brun noir, 30mm. Incubation 17-20 jours (femelle), jeunes nidifuges émancipés à 30-50j. Première nidification à 1 an, âge max. 8 ans. Nourriture: graines, invertébrés.

[9] Aussi appelé cousin germain. Le mot ne vient pas de "germanus", comme "Les Germains", mais de "germen". Germain voulant dire à l'origine "frère et sœur de mêmes parents", on retrouve le sens de "frère" dans l'espagnol "hermano".

[10] Le CMH (nommé HLA chez l'homme et H-2 chez la souris) est une grande région génétique (4 mégabases) qui contient 74 gènes, extrêmement variables (certains ont 50-100 allèles de fréquence identique). Il en résulte une combinatoire produisant un très grand nombre de génotypes différents. En particulier, le CMH est responsable de la présence de glycoprotéines dans la membrane cellulaire qui "identifient" soi-même; d'autres protéines produites par le CMH attrapent les composés étrangers (p.ex. viraux) dans le cytoplasme et les "présentent" en-dehors de la membrane cellulaire. Notons qu'en dépit du rôle du CMH dans la protection immunitaire, la diversité génétique n'influence pratiquement pas la résistance aux maladies: son seul effet connu est lié à la susceptibilité aux maladies auto-immunes et à la malaria.

[11] Les glycoprotéines de membrane produisent des sous-produits de décomposition qui sont sécrétés dans l'urine et la sueur. Il est à noter qu'un chien (berger allemand ou labrador) ne peut pas distinguer à l'odeur deux jumeaux monozygotes nourris de la même manière [JAI-280]. Par contre, des enfants de 3 à 6 ans peuvent reconnaître l'odeur de leur frère ou de leur sœur.

[12] Une lignée congénique est un raffinement de la lignée consanguine. On commence par obtenir des lignées consanguines en accouplant, pendant de nombreuses générations, les descendants de mêmes parents (on accouple frère et sœur à chaque génération). On obtient des individus génétiquement identiques en fin de compte, car chaque accouplement "laisse de côté" certains allèles dans la combinatoire (qui ne reviennent plus en jeu ensuite; l'homozygotie totale est obtenue chez la souris après 20-30 générations; bonne description en ADA-95). Pour obtenir des individus congéniques, on croise ceux de deux lignées consanguines, ensuite on croise la progéniture avec l'une des deux souches initiales (toujours la même) sur de nombreuses générations, et à chaque génération on sélectionne les descendants en fonction d'un caractère génétique particulier. Les deux souches ne diffèrent finalement que par cette partie-là du patrimoine génétique.

[13] Pour étudier cela systématiquement, ils ont croisé des souris congéniques pour obtenir une F1 (dont tous les membres sont évidemment hétérozygotes pour le CMH), et ensuite ils ont croisé entre elles les souris de cette F1. En F2, on avait donc trois groupes de souris, deux homozygotes et un hétérozygote. Les F2 homozygotes ont donc été exposées à un environnement développemental différent (leurs parents de F1 sont hétérozygotes). Les préférences des F2 homozygotes étaient différentes en partie de celles des G homozygotes identiques, ce qui indique qu'outre l'information génétique il y a intégration d'information au cours de l'ontogenèse.

 

[14] Wilkinson et al. on étudié 72 souris allaitantes dans un hangar: 10 avaient fait des nids par deux. et ces couples avaient un r de 0.13 (cousins germains). Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les mères souris ne font pas de discrimination envers des petits qui ne sont pas les leurs, donc si une mère allaite des petits qui ne sont pas les siens, il vaut mieux, du point de vue de l'inclusive fitness, qu'ils aient un lien génétique avec elles [JAI-258].

[15] Wedekind C. et al.  MHC-dependent mate preferences in humans. Proc. R. Soc. Lond. B 1995, 260, 245-249